Des joueurs de Pokémon Go ont contribué à entraîner une intelligence artificielle sans s’en rendre compte

Depuis son lancement en 2016, Pokémon Go a révolutionné la manière dont les joueurs interagissent avec le monde réel grâce à la réalité augmentée. Ce que peu soupçonnaient, c’est que chaque balade, chaque capture de Pokémon et chaque scan de PokéStop alimentaient discrètement un projet bien plus ambitieux : la création d’un modèle géospatial d’intelligence artificielle. Niantic, la société derrière le jeu, a en effet utilisé ces données pour développer une technologie capable de comprendre et de prédire l’apparence des lieux à l’échelle mondiale.
Sommaire
L’ascension de Niantic : du jeu vidéo à l’IA géospatiale
Fondée en 2010 en tant que startup interne chez Google, Niantic s’est rapidement imposée comme un acteur majeur dans le domaine de la réalité augmentée. Le succès phénoménal de Pokémon Go en 2016, avec plus d’un milliard de téléchargements, a offert à l’entreprise une ressource inestimable : des millions de joueurs parcourant le monde réel tout en collectant des données géolocalisées.
En 2025, Niantic a opéré une scission stratégique en séparant ses activités :
- Niantic Games : dédié au développement de jeux comme Pokémon Go et Monster Hunter Now, vendu à Scopely
- Niantic Spatial : concentré sur les technologies d’IA géospatiale et de réalité augmentée
Année | Événement clé | Impact |
---|---|---|
2010 | Création de Niantic chez Google | Accès aux technologies cartographiques |
2016 | Lancement de Pokémon Go | Base d’utilisateurs massive pour collecte de données |
2023 | Premiers tests du Large Geospatial Model | Validation du concept d’IA géospatiale |
2025 | Scission de Niantic | Spécialisation dans l’IA tout en conservant les droits sur les données |
Cette restructuration permet à Niantic de se positionner comme un fournisseur de solutions d’IA géospatiale pour des entreprises comme Microsoft, Sony ou Ubisoft, tout en maintenant son activité historique dans le jeu vidéo via des partenariats. Une stratégie similaire à celle adoptée par Microsoft avec ses divisions IA et gaming.
Comment Pokémon Go est devenu une mine d’or pour l’IA
Le mécanisme était ingénieux dans sa simplicité. Depuis 2020, Niantic a progressivement introduit une fonctionnalité optionnelle permettant aux joueurs de niveau avancé de scanner leur environnement autour des PokéStops. En échange de récompenses en jeu comme des poffins, les joueurs fournissaient sans le savoir des millions de scans hebdomadaires.
Ces données ont permis de construire ce que Niantic appelle désormais son Large Geospatial Model (LGM), un équivalent géospatial des modèles de langage comme ChatGPT. Les caractéristiques clés de cette technologie :
- Capacité à reconnaître bâtiments, rues et points d’intérêt
- Prédiction de l’apparence des lieux sous différents angles
- Compréhension des interactions physiques dans l’espace
- Intégration avec les technologies AR d’Apple et d’Android
Contrairement aux craintes initiales, Niantic précise que le simple fait de jouer à Pokémon Go sans activer la fonction scan ne contribuait pas à l’entraînement de l’IA. Cependant, comme le révèle ce partenariat avec NVIDIA, la quantité de données collectées a été suffisante pour créer des modèles extrêmement précis.
La réaction des joueurs : entre surprise et résignation
L’annonce de l’utilisation des scans pour l’IA a provoqué des réactions mitigées dans la communauté Pokémon Go. Certains joueurs se sont sentis trahis, comme en témoignent les discussions animées sur Reddit et les réseaux sociaux.
Les principales préoccupations exprimées :
- Manque de transparence sur l’utilisation finale des données
- Inquiétudes concernant la vie privée lors du scan de lieux sensibles
- Sentiment d’avoir été instrumentalisés sans contrepartie équitable
Type de joueur | Réaction | Comportement ultérieur |
---|---|---|
Casual players | Indifférence | Continuité du jeu sans changement |
Hardcore players | Colère | Certains ont boycotté les scans |
Tech enthusiasts | Fascination | Participation accrue pour contribuer à l’IA |
Niantic a tenté de calmer le jeu en soulignant le caractère optionnel de la fonctionnalité et en rappelant que les données servaient aussi à améliorer l’expérience de jeu, notamment via les Pokémon Playgrounds, des espaces AR enrichis.
Les applications futures de cette technologie
Le Large Geospatial Model de Niantic ouvre des perspectives considérables bien au-delà du gaming. En 2025, cette technologie commence à être déployée dans divers secteurs, positionnant Niantic comme un concurrent sérieux face aux géants comme Google Maps ou OpenAI dans le domaine de la compréhension spatiale.
Parmi les applications les plus prometteuses :
- Navigation urbaine : guidage AR précis en temps réel
- Urbanisme : simulation de projets d’aménagement
- Tourisme : reconstitutions historiques in situ
- Éducation : expériences d’apprentissage immersives
- Retail : essais virtuels de produits en environnement réel
Comme le montre les débats sur l’IA dans les consoles next-gen, cette technologie pourrait également révolutionner les jeux vidéo en permettant des mondes ouverts plus riches et réactifs. Samsung et Sony étudient d’ailleurs des intégrations similaires pour leurs futures plateformes.
Éthique et transparence : les leçons à tirer
L’affaire Pokémon Go soulève des questions cruciales sur l’utilisation des données utilisateurs dans l’ère de l’IA. Alors que des lois comme le GDPR encadrent théoriquement ces pratiques, le cas Niantic montre combien les lignes peuvent être floues lorsque la collecte est gamifiée.
Les enseignements clés de cette expérience :
- Nécessité d’une communication claire sur l’utilisation des données
- Importance de récompenses proportionnelles à la valeur des contributions
- Besoin de mécanismes de consentement explicites
- Équilibre délicat entre innovation et respect de la vie privée
Comme le démontre également les récentes polémiques chez Nintendo, l’industrie du jeu vidéo doit trouver un équilibre entre exploitation commerciale et confiance des joueurs. Le modèle de Niantic, bien que lucratif, pourrait nécessiter des ajustements à mesure que la régulation se renforce.